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CEDH : analyse concise de l'affaire Verein KlimaSeniorinnen Schweiz et autres c. Suisse
Le 9 avril 2024, la Cour européenne des droits de l'homme a condamné le gouvernement suisse pour ne pas avoir mis en œuvre des politiques efficaces de lutte contre le changement climatique et pour avoir violé le droit à la vie.
Le requérant de cette affaire était une association suisse de femmes âgées, entre 78 et 89 ans, qui depuis 2016 luttait pour la prévention des changements climatiques. Les requérantes se plaignaient des problèmes de santé causés par le réchauffement climatique et des effets sur leur état de santé, en particulier pendant les vagues de chaleur. Après avoir épuisé tous les recours internes en Suisse, les requérants ont porté l'affaire devant la Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg et les accusations contre la Suisse portaient sur l'article 2 (droit à la vie), l'article 6 (droit à un procès équitable), l'article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale), l'article 13 (droit à un recours effectif), et les critères de l'article 34 (statut de victime).
La Cour a conclu à la violation de l'article 8 et de l'article 6 § 1 de la Convention. En vertu de l'article 8, les autorités suisses ont manqué à leurs devoirs, également connus sous le nom d'obligations positives, de mettre en œuvre des mesures visant à réduire les effets du changement climatique et n'ont donc pas atteint leur objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre ; tandis qu'en vertu de l'article 6, paragraphe 1, le droit national suisse ne prévoit pas suffisamment de voies de recours pour saisir un tribunal, car avant la CEDH, l'affaire n'a été rejetée que par une autorité administrative, puis par des tribunaux nationaux à deux niveaux de juridiction. Alors que ces deux articles ont été jugés correctement violés par la Suisse, la Grande Chambre a jugé irrecevables les plaintes contre l'article 2 et l'article 13 en raison de l'absence d'éléments effectifs à l'encontre de la Suisse.
Conformément à l'article 34 de la Convention, la Grande Chambre a saisi l'occasion de cet arrêt pour établir de nouveaux critères concernant le statut de victime dans les affaires liées au climat et pour prévenir d'éventuels cas futurs d'actio popularis.
On pourrait dire que la décision prise par la Cour dans l'affaire Verein KlimaSeniorinnen Schweiz et autres c. Suisse a été trop sévère à l'égard des autorités suisses. Le même jour, deux autres affaires, Carême c. France et Duarte Agostinho et autres c. Portugal, portant sur les mêmes accusations de changement climatique, ont été jugées irrecevables.
En ce qui concerne l'affaire contre la France, les plaintes déposées par le requérant n'ont pas été acceptées parce que ce dernier ne vit plus dans le lieu où il cherche à obtenir réparation, et l'affaire est considérée comme irrecevable en vertu de l'article 34. En ce qui concerne les plaintes contre le Portugal, les requérants n'ont pas épuisé toutes les voies de recours internes et, par conséquent, elles sont contraires aux critères d'applicabilité fixés par la Convention.
La décision de la Cour contre la Suisse a certes suscité de nombreuses critiques et doutes quant à l'équité du jugement, mais elle a marqué le premier arrêt de la Cour sur une affaire climatique et a ainsi enrichi la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.
Thomas AGUIAR, Ingrid POUWER, Marie-Lise SALAME, Chiara SOUVLAKIS, Nadia DJENNI
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1. Coordination entre la Suisse et l’Union européenne
Le cadre légal régissant les rapports entre la Suisse et l’UE repose sur un accord bilatéral : l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ci-après « ALCP »).
Cet accord revoie, à son Annexe II, au règlement européen (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale ainsi qu’au règlement européen (CE) no 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d’application du règlement (CE) no 883/2004.
Les règles de coordination de l’ALPC doivent être appliquées en priorité même si elles vont à l’encontre des règles européennes (Métral Jean/Moser-Szeless Margit, L’accord sur la libre circulation des personnes: coordination des systèmes de sécurité sociale et jurisprudence du Tribunal fédéral (II), REAS 2007, p. 169).
Ces règlements permettent de renforcer la coopération entre les institutions de sécurité sociale des États membres de l’UE et de la Suisse, en particulier s’agissant des institutions de vieillesse.
On notera en particulier que lorsque vous cotisez dans plusieurs États, chacun d’entre eux verse une rente ou une prestation en capital correspondant aux avoirs accumulés pour le travail effectué dans son pays. Le transfert d’avoirs professionnels entre des caisses de pension situées dans différents pays n’est pas possible. Ainsi, si vous avez cotisé dans plusieurs États, vous bénéficirez d’une rente ou sortie en capital de chacun d’eux, en fonction des conditions applicables.
2. Rente AVS (1e pillier)
En Suisse, l’accès aux prestations ordinaires du premier pilier est conditionné au fait d’atteindre l’âge de 65 ans révolus (art. 21 al. 1 LAVS).
En parallèle des prestations ordinaires, il est possible d’opter pour une retraite anticipée un ou deux ans avant l’âge ordinaire, soit à 63 ou 64 ans. L’obtention de la retraite anticipée n’est soumise à aucun motif particulier (mauvais état de santé etc.), seules les conditions d’âge (art. 40 al. 1 LAVS) et d’un éventuel rachat des prestations réglementaires (art. 1b OPP 2) sont pertinentes pour déterminer ce droit.
S’agissant des travailleurs étrangers, l’art. 18 al. 2 LAVS précise que ces derniers et leurs survivants dépourvus de nationalité suisse, n’ont droit à une rente qu’aussi longtemps qu’ils ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse. La notion de domicile se refère à celle des art. 23 à 26 du Code civil suisse (art. 13 al. 1 LPGA), et celle de résidence habituelle (art. 13 al. 2 LPGA) “correspond au lieu où la personne concernée séjourne un certain temps même si la durée de ce séjour est d'emblée limitée” (ATF 141 V 530, consid. 5.1. et réf citées). En conséquence, une personne sans nationalité suisse quittant définitivement la Suisse pour s’établir à l’étranger perd son droit à une rente AVS suisse.
3. Prévoyance professionnelle (2e pillier)
Concernant la prévoyance professionnelle (le 2ème pilier), le droit à des prestations vieillesse naît dès l’âge de 65 ans (art. 13 al. 1 LPP).
Les revenus capitalisés au fil des années dans le compte de prévoyance professionnelle peuvent faire l’objet d’une rente (versement mensuel) ou d’un versement unique en capital du total des avoirs de prévoyance professionnelle. Il est important de noter que le versement d’une rente n’est possible qu’après avoir atteint un certain montant de cotisations, sans quoi il ne sera possible que d’obtenir un versement unique en capital. Pour connaitre votre montant, informez-vous auprès de votre caisse de pension.
Autre mention importante : il n’est pas possible de procéder à un retrait en capital avant la retraite ou l’âge de la retraite anticipé lorsque l’on quitte définitivement la Suisse pour s’installer dans un pays de l’UE/AELE (Vuilleumier Frédéric, Prévoyance professionnelle et aspects internationaux – partie II, in Droit fiscal et assurances sociales, en particulier la prévoyance professionnelle et les aspects transfrontaliers [de Vries Reilingh Daniel, éd.], Zurich (Schulthess) 2016, p. 159 ss, p. 178 ; Office fédéral des assurances sociales OFAS, Prévoyance professionnelle (2e pilier), Prestation de libre passage : n’oubliez pas vos avoirs et prévoyances).
4. Quid en cas de décès d’un conjoint ?
Le conjoint survivant a droit à une rente de veuf aux conditions cumulatives suivantes :
- Si le conjoint survivant a au moins un enfant à charge ou avoir atteint l’âge de 45 ans (art. 19 al. 1 let. a LPP) ;
- S’il était marié au de cujus depuis au moins cinq ans (art. 19 al. 1 let. b LPP) ;
- Si le de cujus avait suffisamment cotisé (au premier pilier) ;
- Si les avoirs de prévoyance de de cujus n’ont pas été retirés au préalable sous forme de capital.
Les rentes de survivance (ici la rente de veuf) sont versées dans l’UE aux mêmes conditions qu’en Suisse. En revanche, elles ne peuvent être versées en même temps qu’une rente vieillesse en Suisse. Lorsque les deux rentes, (telle que celle de veuf et celle AVS) entrent en concurrence, c’est la prestation la plus élevée qui est versée (art. 24b LAVS). Si la personne survivante a d’avantage cotisé que le conjoint décédé, elle ne touchera vraisemblablement que sa rente vieillesse, et inversement.
De la même manière, certains États réduisent leurs prestations lorsque des rentes provenant de l’étranger se cumulent aux rentes nationales (art. 10 du Règlement européen (CE) no 987/2009).
5. Choisir entre une rente et un versement en capital, et modalités de versement à l’étranger
Il faut évaluer s’il est préférable d’opter pour une rente versée sur le long terme (généralement jusqu’au décès du bénéficiaire) ou un retrait de l’intégralité des cotisations (soit un versement en capital) selon l’état de santé, les années de cotisation, les besoins du conjoint, les plans de vie, etc.
En cas de versement en capital dans le cadre d’une retraite anticipée ne sera que partiel : une somme indiquée sur le certificat d’assurance doit demeurer sur le compte de libre passage en attendant l’âge de la retraire ou le décès. Cette somme varie selon la caisse de pension.
6. Conclusion
La prévoyance sociale suisse est accessible dans toute l’Europe aux ressortissants suisses, mais qu’en Suisse pour les étrangers. Notez également que la santé n’est pas un élément pertinent en matière de retraite anticipée. Pour ce qui est des choix cruciaux, on privilégiera le versement en capital lorsque la santé n’est optimale pour faciliter l’accès aux avoirs de prévoyance au conjoint survivant, mais on préférera une rente lorsqu’on cherche plutôt le confort d’un versement mensuel.
Notez que ces conseils sont en principe applicables à un départ vers chaque pays de l’UE/AELE.
Auriane PHILIPPE, Thomas AGUIAR, Ilona CADOUX, Marie CARRILLO
Requête à la CourEDH : le droit à la vie mis à mal
Requête à la CourEDH : le droit à la vie mis à mal
En 2018, en se baladant tranquillement sur un trottoir, une mère et sa fille de 38 ans sont percutées par un conducteur ayant perdu le contrôle de sa voiture. La fille est décédée sur le coup et la mère a été grièvement blessée. Les instances suisses n’ont pas déclaré le conducteur coupable au motif qu’on ne pouvait pas déterminer avec exactitude les circonstances du blackout qu’il invoque. La juridiction pénale suisse l’a donc acquitté de toute culpabilité et de toute peine.
Comment un homicide, même involontaire, peut-il rester impuni ? C’est la question que nous avons posée aux juges de la Cour européenne des droits de l’Homme (ci-après : CourEDH), en invoquant l’article 2 de la Convention, stipulant que “le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi”, ainsi que l’article 6 qui requiert des garanties quant au déroulement du procès.
Après avoir recouru devant toutes les instances suisses, la requérante (mère de la victime) se tourne vers la CourEDH afin d’obtenir justice pour elle et sa fille (décédée sur les lieux), et à la suite de l’accident lui ayant entraîné une invalidité permanente. Elle formule plusieurs griefs à l’encontre de nos juridictions. En bref, selon la requérante, les tribunaux suisses se sont détournés de l’obligation qui découle de l’art. 2 de la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH). Ce dernier requiert l'instauration d'un système judiciaire efficace et indépendant permettant d’établir les circonstances du décès et le cas échéant d’obliger les responsables à répondre de leurs actes. Cette obligation positive prévue à ce même article doit être interprétée comme s'appliquant dans le contexte de toute activité, publique ou non, dans laquelle le droit à la vie peut être en jeu (Ciechońska c. Pologne, 2011, § 69 ; Banel c. Lituanie, 2013, § 68). Dans ces deux cas, la CourEDH a admis que les juridictions nationales n’ont pas tout fait pour ne pas laisser impunies des atteintes injustifiées au droit à la vie. Un tel comportement permettrait de prévenir toute apparence de tolérance d’actes illégaux et de maintenir la confiance du public (Oruk c. Turquie, 2014, §46).
Dans notre cas, l’acquittement du conducteur pourrait apparaître comme un amoindrissement du rôle de dissuasion que représente un système judiciaire dans la prévention des violations du droit à la vie.
Le premier grief, invoqué par la requérante, s’appuie sur la non-prise en considération par les tribunaux suisses des indices pouvant mener à l’établissement des circonstances du décès et le cas échéant d’obliger les responsables à répondre de leurs actes, ainsi que leur obligation d'assurer le fonctionnement effectif d’un certain cadre réglementaire. En l'occurrence, les tribunaux suisses se sont contentés de deux expertises médicales alors qu’il en existait une troisième qui soutenait une certaine responsabilité du conducteur. L’attribution de la responsabilité n’a pas pu être admise sur la base des résultats de la troisième expertise qui débouchaient sur un potentiel endormissement lors de l’accident.
Le second grief s’appuie sur le cadre réglementaire lacunaire interne en matière de circulation routière. Ce dernier n’a pas un caractère assez dissuasif et rigoureux afin d’assurer la prévention effective d’actes illicites. Le régime juridique suisse ne prévoit pas l’interdiction de la conduite sous certaines conditions. De plus, la requérante dénonce l’homicide resté impuni en l’espèce. Ni peines, ni mesures n’ont été prises à l’encontre de l’auteur du fait d’une prise de médicaments. Ceux-ci entraînaient pourtant des effets tels qu’une diminution des performances cognitives très importante et des effets de somnolence. Bien que le conducteur représentait un potentiel danger pour la sécurité routière, il a été considéré qu’il n’avait pas violé son devoir de diligence. La jurisprudence suisse suppose toutefois de la négligence que l’auteur présumé d’une infraction n’ait pas déployé l’attention et les efforts que l’on pouvait attendre de lui pour se conformer à ses devoirs qui découlent des règles de droit édictées pour assurer la sécurité et éviter les accidents (Arrêt du Tribunal fédéral du 02.08.2016, 6B 965/2014, consid. 3).
Le dernier grief se penche sur l’article 6 de la Convention qui concerne “le droit à un procès équitable devant un tribunal impartial et indépendant”. La requérante se plaint du fait que les tribunaux internes n’ont pas accepté de nouvelles appréciations du faisceau d’indices fourni compris dans une des expertises médicales du prévenu. Par conséquent, sa défense s'est trouvée dans une position désavantageuse en ce qui concerne l'examen des preuves établies par des rapports médicaux. Les règles relatives à la recevabilité des expertises ou témoignages d’experts ne doivent pas priver la défense de la possibilité de les contester efficacement, notamment en présentant ou en obtenant d'autres avis et rapports. La jurisprudence concernant l’article 6 § 1 CEDH considère comme une violation le refus d’autoriser une expertise alternative d’une preuve matérielle (voir Stoimenov c. l'ex-République yougoslave de Macédoine, no 17995/02, §§ 38 et s., 5 avril 2007).
Nulla poena sine lege comme le mentionne la CEDH à son article 7. En Suisse, l’absence d’une disposition condamnant un certain comportement ne signifie pas pour autant que cette même attitude doit rester impunie. En l’espèce, il existe une disposition qui incrimine nommément l’homicide à l’art. 117 du Code pénal suisse. L’infraction reste de gravité certaine et rien ne justifie qu’elle demeure impunie.
En dernier ressort, la mère s’est adressée à la CourEDH afin qu’elle détermine l’éventuelle responsabilité pénale du conducteur.
En attendant la décision des juges de Strasbourg, il reste à espérer que cette affaire portée devant la CourEDH mènera à l’éclaircissement de l’attribution de peines à des actes qui doivent être pénalement punissables.
Campos Kelly, Jayo Paul, Mariotti Maeva et Pelletier Eloïse
Building Bridges : L'antichambre de la COP31 en Suisse
Par Patrick Odier. Ancien associé gérant senior du Groupe Lombard Odier
Accueillir la COP en 2026 constituerait un vrai projet pour la Suisse et les Suisses. Ce serait aussi l’occasion d’innover en proposant un format plus raisonnable adapte aux contraintes environne- mentales et en ciblant mieux les thèmes de l’agenda sur les sujets sur lesquels la Suisse dispose de compétences particulières.
Des engagements concrets pour plus d'impact
La 3e édition de Building Bridges a montré le chemin à suivre. En effet, cet évènement international a réuni en Suisse pendant quatre jours, du 3 au 6 octobre 2022, plus de 2000 participants de 51 pays et près de 16 000 personnes connectées pour suivre ou participer aux 68 évènements du programme.
De fait, Building Bridges pourrait représenter une étape dans la préparation d’une candidature helvétique à la COP en 2026. Tirant parti de l’écosystème unique de la Suisse, Building Bridges a brillamment réussi, avec le soutien de nos autorités fédérales, à faire converger les acteurs de la finance, des organisations internationales, des universités, des ONG, des secteurs public et prive ainsi que la société civile vers un objectif durable commun.
Au-delà des bonnes intentions, tous ces acteurs se sont mobilisés pour prendre des engagements concrets afin d'accélérer la transition durable. Ainsi, plusieurs initiatives déjà annoncées lors de la deuxième édition de Building Bridges en 2021 ont vu le jour : notamment les « Swiss climat scores », adoptés par le Conseil fédéral en juin 2022. Ils ne mesurent pas les critères ESG d’une entreprise, mais son alignement avec l’objectif de réduction des émissions carbone fixe par les Accords de Paris. Par ailleurs, beaucoup d’acteurs de la finance sont en train de transformer les portefeuilles de leurs clients en fonction de leurs sensibilités à ces enjeux durables.
La finance : un levier important pour accélérer la transition
Cette année, deux nouvelles organisations dédiées aux solutions à mettre en place pour sauvegarder la nature ont été annoncées à Building Bridges : Nature- Finance et Innovante for finance. Mais nous devons en faire plus en matière de formation, de langage commun, de volonté politique, tout comme d’investissements, pour avoir plus d’impact plus rapidement.
Malgré ces réelles avancées, les progrès ne sont en effet pas assez rapides. Les systèmes de notation des sociétés pour opérer le tri et orienter les capitaux vers les plus vertueuses doivent notamment être plus clairs et reposer sur des bases scientifiques et transparentes. Mais ne nous y trompons pas, la finance n’est pas toute puissante. Elle peut accompagner, aider et stimuler les entreprises dans leur transition vers une économie plus durable, mais elle ne peut pas se substituer à l’activité industrielle, ni à la législation des Etats. Ne demandons pas à la finance de dire ce qui est permis ou interdit, ni de juger s’il est rai- donnable ou non d’utiliser des canons à neige à 2000 mètres d’altitude. Ces choix doivent être faits, argumentes et débat- tus par les autorités compétentes.
La finance ne peut et ne doit pas porter seule ce qui relevé de choix de société. De fait, le secteur financier a désespérément besoin du leadership et de l’ambition des décideurs politiques et de l’économie réelle pour avoir plus d’impact. L’un des défis de la COP27, qui s’ouvre début novembre en Egypte, sera justement la capacite des dirigeants politiques à résister à la tentation des gains politiques à court terme, c’est-à-dire de porter leur attention sur les retombées politiques, économiques et environnementales qui pourraient être récoltées en quelques années, et non en quelques semaines.
L’impréparation collective face aux phénomènes météorologiques extrêmes, ainsi que l’angoisse mondiale sans précèdent concernant la sécurité énergétique, alimentaire et de l’approvisionnement en matières premières plaident en faveur d’un bond en avant radical dans la course au réalignement de notre système économique sur les limites de notre planète.
Viser plus haut
Le modèle de croissance économique actuel, avec ses dégâts collatéraux importants, doit, en effet, être repensé avec l’aide des acteurs financiers et de toutes les parties prenantes. C’est la raison d’être de Building Bridges qui montre que c’est possible. Mais la Suisse peut et doit viser plus haut, dans l’élan de cet évènement qui a désormais fait la preuve de sa pertinence.
Notre pays bénéficie d’une réputation incomparable dans le multilatéralisme, grâce à son agilité diplomatique, son patrimoine onusien et sa neutralité. Ce qui a été accompli en Suisse au service de l’action humanitaire et de la diplomatie est une référence universelle. En accueillant la COP en 2026, la Suisse serait à sa place, au centre du dialogue, pour permettre d’assurer la nécessaire transition durable. ■
Source: Le temps.24.10.2022 www.letemps.ch Repris avec permission de l’ auteur Patrick Odier