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S’envoler vers la Grèce sans préjudice au portefeuille suisse : étude de quelques subtilités de la cotisation confédérale

 

1.             Coordination entre la Suisse et l’Union européenne

Le cadre légal régissant les rapports entre la Suisse et l’UE repose sur un accord bilatéral : l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ci-après « ALCP »).

Cet accord revoie, à son Annexe II, au règlement européen (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale ainsi qu’au règlement européen (CE) no 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d’application du règlement (CE) no 883/2004.

Les règles de coordination de l’ALPC doivent être appliquées en priorité même si elles vont à l’encontre des règles européennes (Métral Jean/Moser-Szeless Margit, L’accord sur la libre circulation des personnes: coordination des systèmes de sécurité sociale et jurisprudence du Tribunal fédéral (II), REAS 2007, p. 169).

Ces règlements permettent de renforcer la coopération entre les institutions de sécurité sociale des États membres de l’UE et de la Suisse, en particulier s’agissant des institutions de vieillesse.

On notera en particulier que lorsque vous cotisez dans plusieurs États, chacun d’entre eux verse une rente ou une prestation en capital correspondant aux avoirs accumulés pour le travail effectué dans son pays. Le transfert d’avoirs professionnels entre des caisses de pension situées dans différents pays n’est pas possible. Ainsi, si vous avez cotisé dans plusieurs États, vous bénéficirez d’une rente ou sortie en capital de chacun d’eux, en fonction des conditions applicables.

 

2.             Rente AVS (1e pillier)

En Suisse, l’accès aux prestations ordinaires du premier pilier est conditionné au fait d’atteindre l’âge de 65 ans révolus (art. 21 al. 1 LAVS).

En parallèle des prestations ordinaires, il est possible d’opter pour une retraite anticipée un ou deux ans avant l’âge ordinaire, soit à 63 ou 64 ans. L’obtention de la retraite anticipée n’est soumise à aucun motif particulier (mauvais état de santé etc.), seules les conditions d’âge (art. 40 al. 1 LAVS) et d’un éventuel rachat des prestations réglementaires (art. 1b OPP 2) sont pertinentes pour déterminer ce droit.

S’agissant des travailleurs étrangers, l’art. 18 al. 2 LAVS précise que ces derniers et leurs survivants dépourvus de nationalité suisse, n’ont droit à une rente qu’aussi longtemps qu’ils ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse.  La notion de domicile se refère à celle des art. 23 à 26 du Code civil suisse (art. 13 al. 1 LPGA), et celle de résidence habituelle (art. 13 al. 2 LPGA) “correspond au lieu où la personne concernée séjourne un certain temps même si la durée de ce séjour est d'emblée limitée” (ATF 141 V 530, consid. 5.1. et réf citées). En conséquence, une personne sans nationalité suisse quittant définitivement la Suisse pour s’établir à l’étranger perd son droit à une rente AVS suisse.

 

3.             Prévoyance professionnelle (2e pillier)

Concernant la prévoyance professionnelle (le 2ème pilier), le droit à des prestations vieillesse naît dès l’âge de 65 ans (art. 13 al. 1 LPP).

Les revenus capitalisés au fil des années dans le compte de prévoyance professionnelle peuvent faire l’objet d’une rente (versement mensuel) ou d’un versement unique en capital du total des avoirs de prévoyance professionnelle. Il est important de noter que le versement d’une rente n’est possible qu’après avoir atteint un certain montant de cotisations, sans quoi il ne sera possible que d’obtenir un versement unique en capital. Pour connaitre votre montant, informez-vous auprès de votre caisse de pension.

Autre mention importante : il n’est pas possible de procéder à un retrait en capital avant la retraite ou l’âge de la retraite anticipé lorsque l’on quitte définitivement la Suisse pour s’installer dans un pays de l’UE/AELE (Vuilleumier Frédéric, Prévoyance professionnelle et aspects internationaux – partie II, in Droit fiscal et assurances sociales, en particulier la prévoyance professionnelle et les aspects transfrontaliers [de Vries Reilingh Daniel, éd.], Zurich (Schulthess) 2016, p. 159 ss, p. 178 ; Office fédéral des assurances sociales OFAS, Prévoyance professionnelle (2e pilier), Prestation de libre passage : n’oubliez pas vos avoirs et prévoyances).

 

4.             Quid en cas de décès d’un conjoint ?

Le conjoint survivant a droit à une rente de veuf aux conditions cumulatives suivantes :

  • Si le conjoint survivant a au moins un enfant à charge ou avoir atteint l’âge de 45 ans (art. 19 al. 1 let. a LPP) ;
  • S’il était marié au de cujus depuis au moins cinq ans (art. 19 al. 1 let. b LPP) ;
  • Si le de cujus avait suffisamment cotisé (au premier pilier) ;
  • Si les avoirs de prévoyance de de cujus n’ont pas été retirés au préalable sous forme de capital.

Les rentes de survivance (ici la rente de veuf) sont versées dans l’UE aux mêmes conditions qu’en Suisse. En revanche, elles ne peuvent être versées en même temps qu’une rente vieillesse en Suisse. Lorsque les deux rentes, (telle que celle de veuf et celle AVS) entrent en concurrence, c’est la prestation la plus élevée qui est versée (art. 24b LAVS). Si la personne survivante a d’avantage cotisé que le conjoint décédé, elle ne touchera vraisemblablement que sa rente vieillesse, et inversement.

De la même manière, certains États réduisent leurs prestations lorsque des rentes provenant de l’étranger se cumulent aux rentes nationales (art. 10 du Règlement européen (CE) no 987/2009).

 

5.             Choisir entre une rente et un versement en capital, et modalités de versement à l’étranger

Il faut évaluer s’il est préférable d’opter pour une rente versée sur le long terme (généralement jusqu’au décès du bénéficiaire) ou un retrait de l’intégralité des cotisations (soit un versement en capital) selon l’état de santé, les années de cotisation, les besoins du conjoint, les plans de vie, etc.

En cas de versement en capital dans le cadre d’une retraite anticipée ne sera que partiel : une somme indiquée sur le certificat d’assurance doit demeurer sur le compte de libre passage en attendant l’âge de la retraire ou le décès. Cette somme varie selon la caisse de pension.

 

6.             Conclusion

La prévoyance sociale suisse est accessible dans toute l’Europe aux ressortissants suisses, mais qu’en Suisse pour les étrangers. Notez également que la santé n’est pas un élément pertinent en matière de retraite anticipée. Pour ce qui est des choix cruciaux, on privilégiera le versement en capital lorsque la santé n’est optimale pour faciliter l’accès aux avoirs de prévoyance au conjoint survivant, mais on préférera une rente lorsqu’on cherche plutôt le confort d’un versement mensuel.

Notez que ces conseils sont en principe applicables à un départ vers chaque pays de l’UE/AELE.

 

Auriane PHILIPPE, Thomas AGUIAR, Ilona CADOUX, Marie CARRILLO

 

 

 

Requête à la CourEDH : le droit à la vie mis à mal

Requête à la CourEDH : le droit à la vie mis à mal

En 2018, en se baladant tranquillement sur un trottoir, une mère et sa fille de 38 ans sont percutées par un conducteur ayant perdu le contrôle de sa voiture. La fille est décédée sur le coup et la mère a été grièvement blessée. Les instances suisses n’ont pas déclaré le conducteur coupable au motif qu’on ne pouvait pas déterminer avec exactitude les circonstances du blackout qu’il invoque. La juridiction pénale suisse l’a donc acquitté de toute culpabilité et de toute peine.

Comment un homicide, même involontaire, peut-il rester impuni ? C’est la question que nous avons posée aux juges de la Cour européenne des droits de l’Homme (ci-après : CourEDH), en invoquant l’article 2 de la Convention, stipulant que “le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi”, ainsi que l’article 6 qui requiert des garanties quant au déroulement du procès.

Après avoir recouru devant toutes les instances suisses, la requérante (mère de la victime) se tourne vers la CourEDH afin d’obtenir justice pour elle et sa fille (décédée sur les lieux), et à la suite de l’accident lui ayant entraîné une invalidité permanente. Elle formule plusieurs griefs à l’encontre de nos juridictions. En bref, selon la requérante, les tribunaux suisses se sont détournés de l’obligation qui découle de l’art. 2 de la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH). Ce dernier requiert l'instauration d'un système judiciaire efficace et indépendant permettant d’établir les circonstances du décès et le cas échéant d’obliger les responsables à répondre de leurs actes. Cette obligation positive prévue à ce même article doit être interprétée comme s'appliquant dans le contexte de toute activité, publique ou non, dans laquelle le droit à la vie peut être en jeu (Ciechońska c. Pologne, 2011, § 69 ; Banel c. Lituanie, 2013, § 68). Dans ces deux cas, la CourEDH a admis que les juridictions nationales n’ont pas tout fait pour ne pas laisser impunies des atteintes injustifiées au droit à la vie. Un tel comportement permettrait de prévenir toute apparence de tolérance d’actes illégaux et de maintenir la confiance du public (Oruk c. Turquie, 2014, §46).

Dans notre cas, l’acquittement du conducteur pourrait apparaître comme un amoindrissement du rôle de dissuasion que représente un système judiciaire dans la prévention des violations du droit à la vie.

Le premier grief, invoqué par la requérante, s’appuie sur la non-prise en considération par les tribunaux suisses des indices pouvant mener à l’établissement des circonstances du décès et le cas échéant d’obliger les responsables à répondre de leurs actes, ainsi que leur obligation d'assurer le fonctionnement effectif d’un certain cadre réglementaire. En l'occurrence, les tribunaux suisses se sont contentés de deux expertises médicales alors qu’il en existait une troisième qui soutenait une certaine responsabilité du conducteur. L’attribution de la responsabilité n’a pas pu être admise sur la base des résultats de la troisième expertise qui débouchaient sur un potentiel endormissement lors de l’accident.

Le second grief s’appuie sur le cadre réglementaire lacunaire interne en matière de circulation routière. Ce dernier n’a pas un caractère assez dissuasif et rigoureux afin d’assurer la prévention effective d’actes illicites. Le régime juridique suisse ne prévoit pas l’interdiction de la conduite sous certaines conditions. De plus, la requérante dénonce l’homicide resté impuni en l’espèce. Ni peines, ni mesures n’ont été prises à l’encontre de l’auteur du fait d’une prise de médicaments. Ceux-ci entraînaient pourtant des effets tels qu’une diminution des performances cognitives très importante et des effets de somnolence. Bien que le conducteur représentait un potentiel danger pour la sécurité routière, il a été considéré qu’il n’avait pas violé son devoir de diligence. La jurisprudence suisse suppose toutefois de la négligence que l’auteur présumé d’une infraction n’ait pas déployé l’attention et les efforts que l’on pouvait attendre de lui pour se conformer à ses devoirs qui découlent des règles de droit édictées pour assurer la sécurité et éviter les accidents (Arrêt du Tribunal fédéral du 02.08.2016, 6B 965/2014, consid. 3).

Le dernier grief se penche sur l’article 6 de la Convention qui concerne “le droit à un procès équitable devant un tribunal impartial et indépendant”. La requérante se plaint du fait que les tribunaux internes n’ont pas accepté de nouvelles appréciations du faisceau d’indices fourni compris dans une des expertises médicales du prévenu. Par conséquent, sa défense s'est trouvée dans une position désavantageuse en ce qui concerne l'examen des preuves établies par des rapports médicaux. Les règles relatives à la recevabilité des expertises ou témoignages d’experts ne doivent pas priver la défense de la possibilité de les contester efficacement, notamment en présentant ou en obtenant d'autres avis et rapports. La jurisprudence concernant l’article 6 § 1 CEDH considère comme une violation le refus d’autoriser une expertise alternative d’une preuve matérielle (voir Stoimenov c. l'ex-République yougoslave de Macédoine, no 17995/02, §§ 38 et s., 5 avril 2007).

Nulla poena sine lege comme le mentionne la CEDH à son article 7. En Suisse, l’absence d’une disposition condamnant un certain comportement ne signifie pas pour autant que cette même attitude doit rester impunie. En l’espèce, il existe une disposition qui incrimine nommément l’homicide à l’art. 117 du Code pénal suisse. L’infraction reste de gravité certaine et rien ne justifie qu’elle demeure impunie.

En dernier ressort, la mère s’est adressée à la CourEDH afin qu’elle détermine l’éventuelle responsabilité pénale du conducteur.

En attendant la décision des juges de Strasbourg, il reste à espérer que cette affaire portée devant la CourEDH mènera à l’éclaircissement de l’attribution de peines à des actes qui doivent être pénalement punissables.

Campos Kelly, Jayo Paul, Mariotti Maeva et Pelletier Eloïse

Building Bridges : L'antichambre de la COP31 en Suisse

Par Patrick Odier. Ancien associé gérant senior du Groupe Lombard Odier

Accueillir la COP en 2026 constituerait un vrai projet pour la Suisse et les Suisses. Ce serait aussi l’occasion d’innover en proposant un format plus raisonnable adapte aux contraintes environne- mentales et en ciblant mieux les thèmes de l’agenda sur les sujets sur lesquels la Suisse dispose de compétences particulières.

Des engagements concrets pour plus d'impact

La 3e édition de Building Bridges a montré le chemin à suivre. En effet, cet évènement international a réuni en Suisse pendant quatre jours, du 3 au 6 octobre 2022, plus de 2000 participants de 51 pays et près de 16 000 personnes connectées pour suivre ou participer aux 68 évènements du programme.

De fait, Building Bridges pourrait représenter une étape dans la préparation d’une candidature helvétique à la COP en 2026. Tirant parti de l’écosystème unique de la Suisse, Building Bridges a brillamment réussi, avec le soutien de nos autorités fédérales, à faire converger les acteurs de la finance, des organisations internationales, des universités, des ONG, des secteurs public et prive ainsi que la société civile vers un objectif durable commun.

Au-delà des bonnes intentions, tous ces acteurs se sont mobilisés pour prendre des engagements concrets afin d'accélérer la transition durable. Ainsi, plusieurs initiatives déjà annoncées lors de la deuxième édition de Building Bridges en 2021 ont vu le jour : notamment les « Swiss climat scores », adoptés par le Conseil fédéral en juin 2022. Ils ne mesurent pas les critères ESG d’une entreprise, mais son alignement avec l’objectif de réduction des émissions carbone fixe par les Accords de Paris. Par ailleurs, beaucoup d’acteurs de la finance sont en train de transformer les portefeuilles de leurs clients en fonction de leurs sensibilités à ces enjeux durables.

La finance : un levier important pour accélérer la transition

Cette année, deux nouvelles organisations dédiées aux solutions à mettre en place pour sauvegarder la nature ont été annoncées à Building Bridges : Nature- Finance et Innovante for finance. Mais nous devons en faire plus en matière de formation, de langage commun, de volonté politique, tout comme d’investissements, pour avoir plus d’impact plus rapidement.

Malgré ces réelles avancées, les progrès ne sont en effet pas assez rapides. Les systèmes de notation des sociétés pour opérer le tri et orienter les capitaux vers les plus vertueuses doivent notamment être plus clairs et reposer sur des bases scientifiques et transparentes. Mais ne nous y trompons pas, la finance n’est pas toute puissante. Elle peut accompagner, aider et stimuler les entreprises dans leur transition vers une économie plus durable, mais elle ne peut pas se substituer à l’activité industrielle, ni à la législation des Etats. Ne demandons pas à la finance de dire ce qui est permis ou interdit, ni de juger s’il est rai- donnable ou non d’utiliser des canons à neige à 2000 mètres d’altitude. Ces choix doivent être faits, argumentes et débat- tus par les autorités compétentes.

La finance ne peut et ne doit pas porter seule ce qui relevé de choix de société. De fait, le secteur financier a désespérément besoin du leadership et de l’ambition des décideurs politiques et de l’économie réelle pour avoir plus d’impact. L’un des défis de la COP27, qui s’ouvre début novembre en Egypte, sera justement la capacite des dirigeants politiques à résister à la tentation des gains politiques à court terme, c’est-à-dire de porter leur attention sur les retombées politiques, économiques et environnementales qui pourraient être récoltées en quelques années, et non en quelques semaines.

L’impréparation collective face aux phénomènes météorologiques extrêmes, ainsi que l’angoisse mondiale sans précèdent concernant la sécurité énergétique, alimentaire et de l’approvisionnement en matières premières plaident en faveur d’un bond en avant radical dans la course au réalignement de notre système économique sur les limites de notre planète.

Viser plus haut

Le modèle de croissance économique actuel, avec ses dégâts collatéraux importants, doit, en effet, être repensé avec l’aide des acteurs financiers et de toutes les parties prenantes. C’est la raison d’être de Building Bridges qui montre que c’est possible. Mais la Suisse peut et doit viser plus haut, dans l’élan de cet évènement qui a désormais fait la preuve de sa pertinence.

Notre pays bénéficie d’une réputation incomparable dans le multilatéralisme, grâce à son agilité diplomatique, son patrimoine onusien et sa neutralité. Ce qui a été accompli en Suisse au service de l’action humanitaire et de la diplomatie est une référence universelle. En accueillant la COP en 2026, la Suisse serait à sa place, au centre du dialogue, pour permettre d’assurer la nécessaire transition durable. ■

Source: Le temps.24.10.2022 www.letemps.ch Repris avec permission de l’ auteur Patrick Odier

Acquisition d'une maison de vacances en Suisse par des non-résidents ou etrangers

I.    Introduction
La loi fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger (LFAIE ; RS 211.412.41), également connue sous le nom de Lex Koller, est une loi qui vise à limiter l'acquisition d'immeubles par des personnes domiciliées à l'étranger afin d'"empêcher la propriété étrangère du sol suisse".
Cette loi varie en fonction du type de permis de séjour, du pays d'origine et du lieu de résidence. Son fonctionnement est donc complexe. De plus, la loi change selon le type d'utilisation que l'on veut en faire : résidence secondaire, résidence principale ou résidence secondaire. Les investisseurs étrangers n'ont pas le droit d'acquérir des biens résidentiels, mais peuvent investir dans des biens commerciaux, artisanaux et subventionnés.
L'acquisition d'un immeuble soumis au régime de l'autorisation nécessite l'octroi d'une autorisation par l'autorité cantonale compétente (art. 2, al. 1, LFAIE). Ainsi, l'application de cette loi incombe en premier lieu au canton sur le territoire duquel se trouve l'immeuble. C'est l'autorité compétente désignée par le canton en question qui décide si un acte juridique est soumis à autorisation et si l'autorisation doit être accordée (art. 15, al. 1, let. a, LFAIE). L'autorisation n'est accordée que pour les motifs prévus par la LFAIE et, le cas échéant, par le droit cantonal (art. 3, 8 et 9 LFAIE).
II.    Assujettissement
En principe, trois conditions cumulatives doivent être remplies pour qu'un acte juridique soit soumis au régime de l'autorisation :
- L'acquéreur doit être une personne à l'étranger au sens de la LFAIE (assujettissement subjectif).
- L'objet de l'acte juridique doit porter sur un bien soumis à l'imposition de la LFAIE (imposition objective en fonction de l'utilisation du bien).
- Le droit acquis doit être assimilé à une acquisition immobilière au sens de la LFAIE (assujettissement objectif selon le type de droit).
Même si ces trois conditions sont remplies, d'autres exceptions à l'obligation d'obtenir une autorisation conformément à l'art. 7 LFAIE.
III.    Personnes à l'étranger
La Lex Koller définit les personnes à l'étranger à l'art. 5 al. 1 let. a et abis LFAIE (complété par l'art. 2 OFL). Il s'agit des étrangers domiciliés à l'étranger et des étrangers domiciliés en Suisse, mais qui ne sont pas ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne (CE) ou de l'Association européenne de libre-échange (AELE), ni titulaires d'un permis d'établissement C valable.

Ce régime s'applique également aux sociétés ayant leur siège à l'étranger, même si elles sont en mains suisses et considérées comme suisses d'un point de vue économique.

IV.    Logement de vacances
Un étranger soumis à autorisation peut acquérir un appartement dans un apparthôtel ou une maison de vacances (art. 9, al. 2 et 3, et art. 10 LFAIE). Le lieu d'hébergement doit être désigné comme zone touristique par le canton concerné. Chaque autorisation est soumise au contingent annuel attribué par la Confédération au canton pour les maisons de vacances et les appartements dans un apparthôtel (art. 11 LFAIE, art. 9 OFL et annexe 1 OFL), sauf si l'autorisation pour l'acquisition de cette maison ou de cet appartement a déjà été obtenue par le vendeur à ce moment-là.
Les quotas peuvent également être transférés à des personnes non assujetties pour permettre la vente de logements à des ressortissants étrangers (autorisations dites "de principe"). Par conséquent, les achats individuels de ressortissants étrangers restent soumis à autorisation, mais ne sont plus comptabilisés dans le contingent. Les cantons et les communes touristiques peuvent imposer des restrictions. Ils peuvent par exemple décider de bloquer complètement un emplacement, d'autoriser l'achat de propriétés par étages et seulement jusqu'à un certain quota, de limiter le nombre annuel d'autorisations ou de restreindre l'achat de logements qui sont déjà en mains étrangères (art. 13 LFAIE).
Les cantons suivants autorisent l'achat d'une maison de vacances ou d'un appartement dans un apparthôtel : Appenzell Rhodes-Extérieures, Berne, Fribourg, Glaris, Grisons, Jura, Lucerne, Neuchâtel, Nidwald, Obwald, Saint-Gall, Schaffhouse (uniquement pour les appartements dans un apparthôtel), Schwyz, Tessin, Uri, Valais et Vaud.
Les logements de vacances ne peuvent pas être loués à l'année, mais uniquement à court terme. L'acquéreur doit être en mesure d'utiliser lui-même le logement conformément à l'usage pour lequel il s'est porté candidat. Les appartements d'une résidence hôtelière doivent être laissés à la disposition de l'hôtelier pour qu'il puisse les exploiter comme un hôtel, en particulier pendant la haute saison (art. 10, let. b, OAIE).
Selon l'art. 8 OAIE, les logements de vacances ne peuvent être acquis que par des personnes physiques directement en leur nom propre ; l'acquisition indirecte d'un logement par l'intermédiaire d'une personne morale n'est pas possible.
En principe, selon l'art. 10, par. 2 et 3, OAIE, la surface nette de plancher d'une propriété ne doit pas dépasser 200 m2 et la surface du terrain 1 000 m2 (art. 10, par. 2 et 3, OAIE). Selon la pratique établie, en cas de besoin supplémentaire, il est possible d'autoriser jusqu'à 250 m2 de surface nette de plancher et 1'500 m2 de surface de terrain, et dans des cas exceptionnels, des dépassements plus importants.

Mizgin CADIR, Alain AGUPYAN & Cassandra JOCHUM

Déplacement illicite d’enfants de Grèce en Suisse: Le tribunal fédéral ordonne le retour en Grèce

L’année 2022 a vu une importante victoire judiciaire pour ELC.

Le 28 septembre 2022, la Cour suprême suisse (le Tribunal fédéral) a rendu une décision qui a mis fin à une affaire de déplacement illicite d’enfants de la Grèce vers la Suisse durée sept mois. Notre étude, représentant le père des enfants et demandeur de leur retour, a obtenu gain de cause.

 Le phénomène d’enlèvement d’enfants a pris de l’ampleur dans les dernières décennies pour plusieurs raisons, notamment la globalisation, l’évolution du droit de la famille et l’augmentation des couples binationaux.

La Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants (ci-après CLaH80) est l’instrument juridique principal en la matière puisqu’elle lie actuellement 100 Etats (pour plus d’informations, nous vous invitons à lire notre article du 1 février 2022).

Devant les instances cantonales, la question la plus controversée était si la mère, d’après le droit hellénique, pouvait déménager en Suisse avec les enfants sans l’autorisation du père, étant donné qu’elle avait la garde exclusive temporaire des enfants et que le couple était séparé depuis des années. La mère, de son côté, faisait valoir évidemment la non-nécessité du consentement du père au déménagement à l’étranger en raison de sa garde exclusive sur les enfants.

Le juge suisse n’a pas dû trancher la question en se penchant à une analyse du droit grec puisque le 10 mai 2022 le Tribunal de premier instance d’Athènes a rendu une décision attestant l’illicéité du déplacement. En effet, l’art. 14 CLaH 80 permet aux autorités de l’Etat requis de se fonder directement sur une décision judiciaire ou administrative reconnue formellement dans l’Etat de résidence habituelle de l’enfant pour déterminer l’existence d’un déplacement illicite au sens de l’art. 3 CLaH 80.

L’autorité judiciaire suisse ainsi a dû procéder à l’analyse des exceptions au retour prévues à l’art. 13 CLaH 80, faisant défaut en l’espèce, avant d’ordonner le retour immédiat des enfants en Grèce, conformément à l’art. 12 CLaH 80.

La décision rendue par l’instance cantonale confirme la rigidité de la CLaH 80, qui a été justement conçue pour protéger les enfants des conséquences néfastes d’un enlèvement en faisant, entre outre, respecter effectivement les droits de garde et de visite existant dans un Etat contractant. En l’espèce, ni l’intégration rapide des enfants en Suisse ni leur préférence pour ce pays pouvaient empêcher leur retour dans leur pays de résidence habituelle, soit la Grèce, vu que le droit de ce pays avait été violé.

Dans son recours devant le Tribunal fédéral, la mère des enfants a contesté principalement le fait que la cour cantonale a basé son arrêt (au sens de l’art. 14 CLaH 80) sur la décision hellénique du 10 mai 2022, décision qui serait nulle à ses dires.

Sur ce grief, la réponse de la Cour suprême suisse a été claire: l’art. 14 CLaH 80 sert le principe de célérité devant s’appliquer à ce type d’affaires; son but n’est donc pas de reconnaitre au préalable une décision étrangère ni d’en examiner la conformité. Par conséquent, l’autorité cantonale n’avait pas violé le droit fédéral.

Au demeurant, le Tribunal fédéral a confirmé sa jurisprudence non seulement concernant l’application restrictive des exceptions au retour (art. 13 CLaH 80) mais également en matière de fardeau de la preuve et d’exigence de motivation (art. 42 al. 2 LTF).

En l’espèce, les griefs soulevés par la recourante étaient de nature purement appellatoire ou manifestaient son point de vue mais ne démontraient pas précisément en quoi la cour cantonale aurait violé le droit.

Le recours a ainsi été rejeté.

Les enfants, représentées par un avocat de leur choix et non pas par le curateur qui avait été nommé dans la procédure cantonale, ont également recouru au Tribunal fédéral.

Toutefois, le recours a été déclaré irrecevable. En effet, dépourvues de la capacité de discernement quant au litige opposant les parents, ce qui avait été déterminé par la cour cantonale, les recourantes ne pouvaient pas s’affranchir des services de leur curateur pour mandater un avocat de leur choix.

Après sept mois de bataille judiciaire, pour un litige qui s’est révélé très délicat non seulement pour sa nature mais également pour les relations tendues entre les parties, nous avons accueilli avec joie la décision du Tribunal fédéral. Justice a été faite pour un père dont les droits ont été violés!

Carmela Telemaco

Constantin Kokkinos

 

 

 

RÉVISION DU DROIT SUISSE DES SUCCESSIONS 2023 

À la suite des débats parlementaires, un nouveau droit successoral entrera en vigueur dès 2023. Les nouvelles dispositions légales s’appliqueront à toutes les successions de personnes décédées à compter du 1er janvier 2023.

Aujourd’hui, le système prévoit entre autres que la réserve légale affectée à un descendant est de ¾ de son droit successoral ; celle des parents survivants est d’½ chacun ; et la réserve légale du conjoint ou du partenaire enregistré survivant est d’1/2 (art. 471 CC).

Les changements majeurs prévus pour 2023 résident dans l’attribution légale des réserves héréditaires. En effet, la part réservataire des descendants est réduite à une demie de la part légale (½), donc ¼ de la succession; et la part réservataire des parents survivants se verra supprimée.

Toutefois, le partenaire du défunt lié par la loi se verra toujours attribuer une réserve d’½. En outre, il n’y a toujours aucun droit à la succession pour le concubin.

Cette nouvelle répartition des parts légales laisse une plus grande flexibilité au testateur dans la répartition  son héritage. A présent, la moitié de la succession totale peut être répartie librement par le testateur, au lieu de ⅜ de la succession antérieurement.

Répercussions sur l’usufruit :   

Les époux / partenaires enregistrés maintiennent la possibilité de prévoir l’attribution d’un usufruit sur la totalité de la part successorale dévolue aux enfants communs. Cependant, ils peuvent étendre cet avantage accordé au partenaire ; en effet, ils peuvent désormais attribuer la moitié de la succession en pleine propriété au conjoint / partenaire enregistré (soit la quotité disponible de ½ de la succession, au lieu des ¼ actuellement) et l’autre moitié en usufruit (½ au lieu des ¾ actuellement). 

Toutefois, dans le cas où le conjoint / partenaire enregistré se remarie ou conclut un nouveau partenariat enregistré, il perd l’usufruit sur la réserve héréditaire des enfants. Ces derniers deviennent entièrement propriétaires de leur part successorale qui n'est plus grevée d'un usufruit.

Couple engagé dans une procédure de divorce :

Dès qu’une procédure de divorce ou de dissolution d’un partenariat enregistré sera engagée, la protection de la réserve héréditaire cessera, avant même que le divorce ou le partenariat enregistré soit définitivement prononcé. 

Pour ce faire, il suffit : 

-       qu’une procédure de divorce ait été introduite sur requête commune, ou 

-       que les époux aient vécu au moins deux ans séparément, et 

-       que l’un des conjoints décède, et

-       que cette privation d’héritage soit prévue dans le testament du défunt.

Finalement, le conjoint survivant perdra légalement : 

-       sa réserve héréditaire 

-       ses droits résultant de dispositions pour cause de mort 

-       ses libéralités prévues dans le contrat de mariage.

Donations entre vifs :

Alors que le droit actuel prévoit qu’une donation effectuée par le testateur après la conclusion d’un pacte successorale peut être annulable seulement si elle contrevient aux dispositions du pacte successoral ou s’il y a une intention de nuire aux héritiers institués, le nouveau droit de 2023 permettra au contractant du pacte successorale de s’opposer aux dispositions pour cause de mort ou aux libéralités entre vivants sans qu’il soit nécessaire de prouver que celles-ci causent un préjudice pour la partie contractante.

On s’approche d’une pratique restrictive dans la liberté pour le testateur de disposer de ses biens. 

Par ailleurs, la réforme modifie l’ordre dans lequel les réductions des libéralités peuvent être opérées en cas de violation de la réserve légale. Jusqu’à ce que la réserve soit reconstituée, l’ordre de réduction est le suivant : 

1.     Acquisitions pour cause de mort résultant de la loi 

2.     Libéralités pour cause de mort 

3.     Libéralités entre vivants

Clarté pour le pilier 3a : 

Les avoirs de prévoyance du pilier 3A seront désormais réunis à la masse de calcul des réserves (pour leur valeur de rachat) et n’entrent pas dans la masse successorale.

Cette disposition déjà en vigueur, mais vague à l’heure actuelle, sera expressément écrite et clarifiée dans le texte de la loi.

En conclusion, nous nous dirigeons vers une modernisation du droit suisse. La Confédération Helvétique comble ses lacunes en ce qui concerne le droit successoral via des normes déjà applicables dans la majorité des pays européens. 

 

Jacques DEGORS & Ilona ROUSSEL

Sources : ww.ubs.com / www.bdo.ch / arpr.ch / www.mll-news.com  

 

L’INDEMNISATION DES PROCHES DE VICTIMES EN DROIT SUISSE, LA DIFFICILE QUANTIFICATION D’UNE PERTE HUMAINE

  1. TORT MORAL

En Suisse, l’article 47 de la loi fédérale complétant le Code civil  prévoit que “Le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la victime de lésions corporelles ou, en cas de mort d’homme, à la famille une indemnité équitable à titre de réparation morale.

Il ressort de la pratique des tribunaux suisses que ce préjudice moral est évalué en fonction d’un processus en deux phases.

Les tribunaux suisses analysent donc successivement :

  1.  la gravité objective de votre atteinte
  2. les éléments propres au cas d’espèce

Un montant objectif est ainsi alloué à titre indicatif dans une première phase et dans une deuxième phase, toutes les circonstances du cas sont prises en considération pour ajuster le montant de base, cette dernière phase revêtant le plus de poids dans les cas graves.

Phase 1: Afin de calculer le montant de base auquel un proche de victime pourrait prétendre, il convient de raisonner par rapport au gain maximum assuré au moment du décès soit 148 200 CHF au regard de de la LAA (Loi sur l’assurance-accident obligatoire).

https://www.swissriskcare.ch/sites/default/files/src_chiffres_cles_2022.pdf

Lors du du chiffrement d’un tel montant, le but de procurer à la personne lésée un certain sentiment d'enrichissement ne devrait servir que de critère global, applicable de la même façon à tous les lésés, et permettant de fixer la fourchette dans laquelle doit se situer l'ensemble des indemnités.

Ainsi, les tribunaux suisses se sont basés sur les chiffres retenus par la doctrine, notamment les chiffres retenus par Hütte, qui sont très probablement les plus proches de la jurisprudence actuelle. Une indemnité de base de 35% de la part du gain assuré par l’assurance-accident obligatoire est alloué pour le décès d’un enfant (Guyaz Alexandre, le tort moral en cas d’accident:une mise à jour, SJ 2013 II p. 215 ss, 250 s.)

Par conséquent, dans le cas de mort d’homme suite à un accident de la route, il serait donc retenu à titre d’indemnité morale de base qu’un parent touche 52 000 CHF (soit 35% de 148 200 CHF).

Phase 2: En reprenant l’exemple de parents ayant perdu leur enfant, le montant de base de 52 000 CHF pourrait être augmenté dans une certaine mesure, étant données les circonstances atténuantes ou bien aggravantes concernant chaque cas particulier.

Le fait d’avoir été directement témoin de l’accident, l’intensité des liens qui unissent une mère à sa défunte fille, la douleur dûe à la perte de cet enfant ou encore la souffrance morale découlant du fait que personne n’ait été jugé coupable au pénal par exemple, sont des éléments très susceptible d’être pris en considération par les juges pour augmenter l’indemnité.

Toutefois, cette indemnité doit être fixée de manière « équitable », laissant donc une vaste marge d’appréciation aux tribunaux. Comme mentionné précédemment, l’indemnité est aussi évaluée en comparaison avec des situations similaires et les montants accordés dans ces cas.

La jurisprudence et la doctrine tiennent notamment compte pour fixer l’indemnité de la gravité de la faute commise par l’auteur de l’acte dommageable. Cette dernière devrait être considérée uniquement dans la mesure où elle a aggravé la douleur psychologique du demandeur et qu’elle rende encore plus difficile l’acceptation de la situation subie.

En somme,  il y a finalement autant de motifs pour allouer 100'000 francs que 200'000 francs ou 1'000'000 de francs pour la même atteinte et il serait sans doutes préférable que ce type de décision soit pris directement par le législateur plutôt que laissé à l’appréciation du juge.

  1. PRÉJUDICE ÉCONOMIQUE

L’article 45 alinéa 3 du Code des obligations suisse prévoit une des dommages et intérêts la perte de soutien découlant du décès de l’être cher. Il y a lieu d’estimer le revenu hypothétique qu’un individu aurait obtenu de son proche décédé à compter du jour de son décès. Pour ce faire, il est nécessaire d’examiner plusieurs critères: le montant de son revenu, la part de ce revenu qui était consacrée au proche, les réductions possibles et la durée de son entretien. Dans le cas où le soutien était donné en nature (sous forme de travail, d’aide au ménage, de soins etc.), il est possible d’estimer la valeur de celui-ci mais celà reste plus difficile à démonter devant la cour.

En conclusion, lors de la perte d’un être cher, une certaine catégorie d’individus proche du défunt peut faire valoir ses droits devant un tribunal pour toucher à la fois une indemnisation pour la souffrance morale vécue et le dommage économique qui suit le décès.

Il a été observé que les montants alloués aux proches sont de faible importance comparés à ce que certains ont subi, comme la perte d’un enfant ou celle de parents. La jurisprudence suisse n’a que dans des cas exceptionnels, doublé l’indemnisation pour tort moral, et empêche de demander des sommes trop élevées comparées à cette dernière au risque de voir des demandes rejetées.

Aujourd’hui, il semble donc que ce processus soit peu représentatif de la peine endurée. La problématique morale devrait probablement être examinée par le législateur afin de revaloriser les montants alloués en cas de décès et éviter que cette question ne soit laissée qu’à l’arbitraire d’un juge.

Jennifer Gaumann & Ambre Schindler

HARCÈLEMENT SCOLAIRE : REGARD COMPARÉ SUR LES VOIES ACTUELLES

  1. Le harcèlement scolaire : un phénomène sociétal du XXIème siècle

Le harcèlement se définit généralement comme un acte agressif, intentionnel, perpétré par un individu ou un groupe d’individus, de façon répétée à l’encontre d’une victime qui ne peut facilement se défendre seule.

Plus spécifiquement, le harcèlement scolaire (ou school-bullying) se caractérise par trois aspects: la répétition d’un comportement, créant un rapport de domination et l’existence d’une intention de nuire. Il se traduit par des comportements agressifs qu’ils soient verbaux (menaces, insultes, mensonges, moqueries), relationnels (exclusion), physiques (coups, racket, harcèlement sexuel) ou matériels (vol, dégradation etc.). Les effets sur la jeune victime peuvent être extrêmement néfastes: décrochage scolaire ou déscolarisation, désocialisation, anxiété, dépression ou encore somatisation. A terme, la victime de harcèlement peut souffrir d’importantes séquelles dans son développement psychologique et social.

Le problème majeur vient de la difficulté des victimes à extérioriser leur souffrance. De ce fait, lutter contre le school-bullying requiert avant tout une sensibilisation auprès des élèves et du personnel scolaire afin d’éviter tout manque de réactivité ou une minimisation du phénomène.

 

  1. Des approches internationales différentes au regard d’une nouvelle forme de harcèlement

  •  Le droit français : l’élaboration d’une législation incriminant le harcèlement scolaire

En droit français, le harcèlement est réprimé par le Code pénal (C. pén. art. 222-33-2-2). Les faits de harcèlement en milieu scolaire relèvent donc de cette infraction. Le Code pénal français incrimine aussi les violences résultant d’actes de bizutage et le bizutage lui-même, la provocation au suicide ainsi que la diffusion d’images dégradantes ou l’atteinte à la vie privée (C. pén. art. 223 ss). Un droit à poursuivre sa scolarité sans harcèlement a même été consacré à l’art. 511-3-1 du Code de l’éducation. Cependant, malgré la qualification du harcèlement scolaire en tant qu’infraction pénalement répréhensible, aucune sanction n’est mentionnée.

  • Le cas allemand : la violation de la personnalité de l’élève par l’enseignant

À la différence du droit français, le droit allemand ne prévoit pas directement d’instruments visant à réprimer le harcèlement scolaire, mais ses actes constitutifs sont toutefois susceptibles d’être sanctionnés par diverses dispositions du Code pénal ou par des mesures disciplinaires.

L’Oberlandesgericht a relevé qu’il existe un devoir de protection de la part des enseignants à l’égard des élèves pendant les heures de classe, dès lors que ces derniers sont obligés de fréquenter l’école. Dans l’Arrêt de l’Oberlandesgericht Zweibrücken (Allemagne) du 6 mai 1997, Az. 7O 1150/93), il a été considéré que la gravité de l’atteinte justifiait le versement d’un tort moral.

  • L’approche anglo-saxonne : le rôle central des écoles

Aux États-Unis, à défaut de législation fédérale visant à sanctionner spécifiquement le harcèlement en tant que tel, notamment le harcèlement scolaire, il existe une certaine protection contre des actes de harcèlement présentant des caractéristiques particulières. Chaque État est doté de lois ou amendements visant à lutter contre le harcèlement. Ces lois présentent certains dénominateurs communs, comme la recommandation faite aux écoles de prendre des mesures.

Le Royaume-Uni ne s’est pas non plus doté d’instruments particuliers contre le harcèlement scolaire, déléguant aux établissements scolaires la tâche de protéger les écoliers, y compris en dehors du périmètre de l’école. L’infliction de sanctions en cas de comportement répréhensible est possible sans qu’il n’existe à cet égard d’obligation faite aux établissements, à la différence des lois étatiques américaines.

On constate dès lors que, dans ces deux exemples, l’école se trouve en première ligne de responsabilité, que ce soit en raison du risque d’action à son encontre ou de la menace de mesures administratives.

  • Le droit suisse : un vide juridique sur la question du harcèlement scolaire

En droit suisse, le harcèlement scolaire ne fait l’objet d’aucune disposition spécifique. Pourtant, la doctrine tend généralement à l’assimiler à l’art. 328 du Code des obligations qui concrétise la protection de la personnalité de l’employé à l’encontre du harcèlement survenant sur le lieu de travail. En effet, le lien de communauté sur lequel cet article repose existe également entre les élèves et les autres membres de l’établissement scolaire. Celui-ci est fondé sur le devoir de se rendre à l’école obligatoire. Une distinction cruciale est à faire entre la dimension obsessionnelle de harcèlement (ou stalking) et le harcèlement scolaire tel que décrit ci-dessus (ATF 5A_526/2009 du 5 octobre 2009, c. 5.3, SJ 2011 I 65). Pris séparément, les actes des écoliers peuvent paraître anodins tandis que pris dans leur totalité, leur caractère répétitif est destructeur pour les jeunes victimes.

Sur le plan juridique, les droits cantonaux prévoient également des instruments permettant de sanctionner le manquement des élèves à leurs devoirs. L’art. 115 al. 2 de la Loi sur l’instruction publique du 17 septembre 2015 mentionne que « tout acte de violence, sous toutes ses formes, commis par des élèves dans ou hors cadre scolaire [à l’égard des enseignants et des camarades] est interdit ».

Au regard des différentes démarches légales mises en place, il semble que le harcèlement scolaire dans son aspect juridique est très peu réglementé voir inconnu de certaines législations. La Suisse faisant partie de ces derniers, centre son attention sur la responsabilisation des établissements scolaires. Toutefois, il est fréquemment observé que les interdictions de violences ne sont accompagnées que de légères sanctions disciplinaires ou administratives. Elles s’avèrent presque insuffisantes dans un contexte de harcèlement impliquant des personnes vulnérables. Ainsi, il est nécessaire de se positionner sur le problème en mettant en place une politique stricte de prévention et de sanctions juridiques adéquates pour empêcher les auteurs et spectateurs de harcèlement de minimiser le problème.
Cet article n’a pas pour but d’évaluer quel serait le meilleur système mais souligne la nécessité d’une qualification légale. Une législation spécifique au harcèlement scolaire pourrait permettre de mieux cibler la problématique et d’assurer une sécurité juridique minimale pour les victimes.

Ambre Schindler & Jennifer Gaumann

ENFIN LE TRUST EN SUISSE[1] !

Le Conseil fédéral propose, sur mandat du Parlement, d’introduire cette nouvelle institution juridique dans le code des obligations. Lors de sa séance du 12 janvier 2022 il a envoyé son projet en consultation.

Le trust est une ancienne institution juridique de droit anglo-saxon. N’étant pas prévu dans notre ordre juridique, en Suisse il est reconnu depuis l’entrée en vigueur, le 1er juillet 2007, de la Convention de La Haye relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance, du 1er juillet 1985.

En effet, d’après l’art. 11 al. 1 de la Convention, un trust valablement constitué selon la loi étrangère applicable est reconnu dans les autres Etats parties à la Convention.

Compte tenu de la complexité et de la flexibilité de cette institution, qui peut revêtir plusieurs formes et poursuivre différents buts, il n’existe pas une définition unique du trust. Sur le plan international la Convention a proposé à son art. 2 al. 1 la définition suivante : « […] le terme trust vise les relations juridiques créées par une personne, le constituant – par acte entre vifs ou à cause de mort – lorsque des biens ont été placés sous le contrôle d’un trustee dans l’intérêt d’un bénéficiaire ou dans un but déterminé ».

Le trust est donc une institution qui prévoit trois parties :

-          le constituant (ou settlor), qui peut être une personne physique ou morale, est celui qui transfère ses biens au trustee ;

-          le trustee est celui qui détient formellement les biens, qui en devient le « propriétaire juridique » ;

-          les bénéficiaires, qui pour simplifier peuvent être indiqués comme les propriétaires économiques des biens du trust.

Le trust peut être constitué par acte entre vifs (inter vivos trust) ou par disposition pour cause de mort (testamentary trust). A noter que l’acte constitutif est un acte unilatéral du constituant, non soumis à l’acceptation du trustee et que le trust ne dispose pas de la personnalité juridique, ce qui le distingue de l’institution de la fondation.

En Suisse le trust est un instrument important de planification patrimoniale, notamment en matière successorale pour permettre la transmission d’un patrimoine sur plusieurs générations.

Pour éviter que les clients suisses doivent se tourner vers l'étranger pour constituer des trusts, le Parlement a chargé le Conseil fédéral, par la motion 18.3383, de créer les bases légales permettant l'introduction de cette institution en droit suisse.

Si le trust devait être introduit dans notre pays, il sera nécessaire d’adapter le code des obligations et d’autres lois fédérales, notamment  lois fiscales, qui préciseront explicitement à quelles règles le trust sera soumis.

La procédure de consultation est  ouverte par le Conseil fédéral le 12 janvier 2022 durera jusqu'au 30 avril 2022.

Pour de plus amples informations : https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-86746.html


[1] Inspiré par l’article de Stefano Rizzi : https://ambrosioecommodo.it/approfondimenti/finalmente-il-trust-svizzero-2/

Contrat execution only et contrat de conseil en placement

Dans les relations bancaires entre le client et le prestataire de services, trois types de rapports juridiques peuvent être identifiés en droit suisse et européen: i) execution only, ii) conseil en placement, iii) mandat de gestion.

Ce qui les distingue est le degré d’implication du prestataire de services d’une part, et le degré de protection conféré au client d’autre part.

Un contrat d’execution only, qui, comme son nom l’indique, consiste en la seule exécution par le prestataire d’ordres du client, ne conférera pas de protection particulière à ce dernier. En effet, le législateur suisse et, dans une moindre mesure, le législateur européen considèrent que pour conserver le caractère simple, meilleur marché et rapide de ce type de rapport, il incombe au client lui-même de sauvegarder ses intérêts.

Par contre, dans des rapports juridiques plus complexes comme le conseil en placement et le mandat de gestion, on observe que plus l’activité du prestataire de services est importante, plus le degré de protection du client sera important.

En effet, dans le contrat de conseil en placement, la décision d’effectuer ou non une transaction est certes prise par le client, mais le prestataire peut lui faire des suggestions et ainsi l’influencer.

Dans le mandat de gestion, par délégation du client, le prestataire de services se substitue à lui dans le processus de décision et de conclusion d'opérations.

Si la distinction du mandat de gestion des autres types de relations bancaires est claire, les différences entre le contrat d’execution only et celui du conseil en placement peuvent être plus subtiles.

Dans ces deux cas, la décision sur les opérations à effectuer appartient au client. Si une opération tourne mal, la question se pose alors de savoir qui doit répondre des conséquences qui en découlent.

Dans le contrat execution only, du moins du point de vue de la jurisprudence suisse, le prestataire de service n’est pas tenu de veiller à la sauvegarde générale des intérêts du client (TF 4A_369/2015 du 25, consid. 2.3), ni d’assumer un devoir général d’information, que ce soit au sujet des ordres donnés par le client, ou sur le développement probable des investissements choisis et sur les mesures à prendre pour limiter les risques (ATF 133 III 97 consid. 7.1.1; TF 4A_336/2014, consid. 4.2). Il ne doit pas non plus vérifier le caractère approprié de l’opération demandée par le client, ni l’adéquation de celle-ci par rapport à l’ensemble de son portefeuille.

A titre exceptionnel, le Tribunal fédéral suisse admet l’existence d’un devoir de mise en garde du prestataire de services, notamment lorsqu’il se rend compte ou devait se rendre compte que le client n’a pas identifié le risque lié au placement qu’il envisage, ou en cas de rapports de confiance particuliers développés dans le cadre d’une relation d’affaire durable entre le client et le prestataire de services financiers (TF 4A_369/2015, consid. 2.3).

Dans le contrat de conseil en placement, la jurisprudence suisse relève que les devoirs d’information, de conseil et d’avertissement du prestataire ne sont pas fixés de manière générale, mais dépendent du type de contrat conclu et des circonstances du cas concret, notamment des connaissances et de l’expérience du client (TF 4A_336/2014, consid. 4.2.; TF 4A_364/2013, consid. 6.2). En particulier,lorsque le prestataire forme une recommandation au sujet d’un titre déterminé, il doit connaître plusieurs éléments, notamment la situation financière personnelle du client, le degré de risque que ce dernier est prêt à encourir et si le conseil qu’il donne se rapporte aussi à l’adéquation du placement envisagé (ATF 133 III 97 consid. 7.2; TF 4A_444/2012, consid. 3.2).

En conclusion, dans le cadre d’un contrat execution only, le devoir d’information du prestataire de service est le plus faible et, en règle générale, le client répond lui-même de ses opérations. En revanche, le contrat de conseil en placement implique pour le prestataire de services davantage d’obligations et ce dernier peut, à certaines conditions, répondre du dommage subi par le client.

D’un point de vue de droit public, le législateur européen et suisse ont adopté respectivement la directive MiFID II et la loi sur les services financiers (LSFin) afin de garantir une meilleure transparence sur les marchés et une protection renforcée des consommateurs. Ces lois, qui détaillent les obligations d’informations des prestataires de service financier, feront l’objet d’un prochain article.

En plus de disposer d’une expertise en matière financière de plusieures années, notre étude est également parvenu à obtenir l’indemnisation la plus élevée au monde dans le cadre des plaintes à l’encontre d’un important institut financier américain suite à la faillite de la banque Lehman Brothers.